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23 octobre 2016 7 23 /10 /octobre /2016 18:41

 

 « En juin 1974, à l’occasion de l’étude géologique d’une sablière en intense exploitation au Sud de Courcelles-sur-Viosne, Robert Wyns, membre du Centre de Recherches archéologiques du Vexin Français (C.R.A.V.F.) remarqua dans un éboulis, en pied de paroi, des mottes de limon sombre contenant des charbons de bois. Ces mottes renfermaient des tessons de céramique non tournée, des fragments de bracelets en schiste et en terre cuite, de nombreux débris de silex et d’os et un bloc de grès à surface polie. Ces matériaux provenant des restes d’une fosse dont la section était encore visible au sommet du front de taille. Devant l’intérêt et la diversité du matériel recueilli, que l’on pouvait rapporter, en première approximation, au Néolithique de tradition danubienne, notamment d’après ses formes et les décors de la céramique, une équipe mixte composée de membres du C.R.A.V.F. et de la Direction des antiquités préhistoriques effectua les 6 et 7 juillet suivants une fouille de sauvetage sur le site. Celle-ci permit de fouiller la partie intacte de la fosse et de récupérer le maximum de matériel dans les éboulis provenant de la partie effondrée. »

Ainsi commence l’article : « Une fosse Néolithique à Courcelles-sur-Viosnes (Val d’Oise) » de Jacqueline DEGROS, Philippe SIMON, Jacques TARRÊTE et Robert WYNS dans la Revue archéologique de Picardie N°1-2, 1984, pp. 31-48.

 

La fosse, a été entièrement détruite lors de l’avancement du front de taille de la sablière qui se trouvait au lieu-dit "la sente de Saillancourt" L’exploitation, arrêtée à la fin des années 70, a été depuis comblée, mais ses limites se perçoivent encore en archéologie aérienne, méthode qui consiste à photographier à moyenne altitude des zones dégagées et à interpréter les indices au sol.

 

Plusieurs analyses de radiochronologie ont été effectuées sur les échantillons provenant de « la sente de Saillancourt ». La méthode de datation absolue utilise la variation régulière au cours du temps de la proportion de radio-isotopes, dont la plus connue est celle du carbone 14. La première datation a été effectuée par le Laboratoire de Gif-sur-Yvette à partir de charbons de bois recueillis dans le fond de la fosse : 4060 +/- 110 ans soit 2110 B.C. (publication du Bulletin de la Société préhistorique française de 1982, tome 79, N. 6 . pp. 175-192 « Sommaire des datations 14C concernant la préhistoire en France – Dates parues de 1974 à 1982 Chapitre VI : NÉOLITHIQUE de environ 7000 BP à environ 4000 BP » les auteurs, Georgette Delibrias, Jacques Évin et Yolande Thommeret). Des doutes concernant cette analyse ont toutefois conduit à entreprendre un second essai sur une partie des restes de faune (échantillon GIF 5840) qui aboutit à une datation plus ancienne : 5220 +/- 110 ans soit 3270 B.C.

 

Ainsi, il y a 5000 ans qui vivait là, "près de chez nous" ?

Juste pour situer quelques repères sur le chemin de l’histoire, il y a 5000 ans la civilisation Égyptienne débutait et la pyramide de Khéops, la plus grande et la plus ancienne des trois pyramides n’était pas encore érigée à Gizeh (au sud du Caire) par les pharaons de la IVe dynastie (2589-2530 av J.-C.).

Ainsi, par ces restes, le site de "la Sente de Saillancourt" témoigne de la période du Néolithique inférieur.

 

 

Malgré les dimensions restreintes de la fosse (profondeur de 0,60 m pour un diamètre supposé inférieur à 2 m), le matériel recueilli a été abondant, avec environ 600 tessons de céramique correspondant à une trentaine de récipients, et plus de 1700 produits de débitage de silex, ainsi que quelques restes de faune.

 

L’origine des silex ayant été travaillés sur le site est à rechercher, avec une quasi-certitude, dans la dépression de Vigny où affleure la craie campanienne. C’est le seul endroit dans un rayon de 15 km qui ait pu fournir ce matériau. Ce qui signifie que les occupants connaissaient les lieux d’approvisionnement et pour subvenir à leurs besoins, parcouraient « ce qui est aujourd’hui le Vexin et le PNR ».

La fabrication des outils taillés repose sur le débitage laminaire : un bloc de silex brut est mis en forme pour pouvoir en extraire des lames, à l'aide d'un percuteur. La majorité de l'outillage en silex se présente donc sous forme de lames, retouchées afin d'obtenir le type d'outil souhaité. En général, on retrouve sur les sites rubanés une grande quantité de grattoirs sur lame, ainsi que des perçoirs, des racloirs, et des fragments de lames, non retouchés, emmanchés utilisés comme éléments de lames de faucille. Ces lames sont parfois lustrées par l'usure de la coupe provoquée par la silice contenue dans les tiges de céréales. Les rubanés fabriquaient également des pointes de flèches en silex, triangulaires ou trapézoïdales et, plus rarement,  des outils faits à partir d'éclats de silex ou de gros blocs.

Les principales caractéristiques des éléments céramiques et lithiques trouvés sur le site de "la Sente de Saillancourt", ont permis d’attribuer l’ensemble au Néolitique de tradition danubienne : vases ¾ sphériques à mamelons perforés horizontalement, bracelets en schiste, présence de débitage laminaire et de la technique du micro-burin, outillage lithique avec perçoirs, pièces denticulées, ….

 

 

 

La culture rubanée présente en Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Allemagne occidentale, France septentrionale et Belgique désigne le Néolithique le plus ancien d'Europe centrale, entre 5500 et 4700 ans av. J.-C.   , à céramique linéaire,

Selon certains archéologues, cette culture serait la principale manifestation du courant danubien, une migration en Europe continentale de peuples néolithiques suivant le Danube et pratiquant l'agriculture sur brûlis qu'ils introduisirent en Europe. À la même époque, un autre courant de néolithisation, dit courant méditerranéen, suivait les côtes nord de la Méditerranée est à l'origine du Cardial ou céramique imprimée.

Le peuple rubané doit son nom aux rubans dont il décore les poteries qui le caractérisent.

 

Comment vivaient les Rubanés ?

Pour créer leurs poteries, les Rubanés trouvaient l’argile, localement, en quantité et qualité (matériau qui a ensuite été utilisé par la briqueterie de Puiseux au siècle dernier).  

Entre reconstitution savante et récit, les maquettes archéologiques permettent d’illustrer L’HISTOIRE.  L’archéomaquettiste, Patrick Gueneau, a conçu toutes les maquettes ci-dessous à partir de divers matériaux (argile, bois, graminées, terreau et différentes colles) et élaboré des personnages, des mises en scènes et un environnement au plus près de ce que l’on sait des hommes et de leurs activités. http://www.histoire-en-maquette.com/accueil.php


 

 

 

La poterie répond aux besoins spécifiques liés à l’alimentation végétale, essentiellement la consommation de légumineuses et de céréales : la conservation des grains et la consommation de bouillies. On met généralement en adéquation la poterie et le Néolithique bien que la consommation des produits végétaux soit antérieure au Néolithique. De fait, la céramique est davantage due à l’intensification de cette consommation qu’au Néolithique lui-même.

La céramique néolithique était en outre porteuse d’une identité culturelle et il semble bien que les potiers respectaient scrupuleusement les traditions propres à leur groupe et à leur époque. http://ubprehistoire.free.fr/L3%20-%20Cours%20en%20ligne-neo-12.html

 

Par l'expérimentation et l'analyse des objets les températures atteintes dans les foyers ouverts lors des cuissons néolithiques,  étaient de l'ordre de 600 à 800°, ce n’est que plus tard que sont apparus les foyers fermés où foyers en meule.

L'habitat rubané est souvent situé sur des grandes terres agricoles, sur des terrains plats, des loess et près des cours d'eau. Ces populations choisissent de s'installer dans des zones non-inondables et les relations entre villages sont actives.

 

 

 

 

Les maisons rectangulaires ou trapézoïdales ont des longueurs comprises entre 10 et 47 mètres. Dans les villages rubanés, de nombreuses fosses sont présentes. La fonction primaire de ces fosses consiste à utiliser la terre creusée en torchis pour construire les murs des maisons. Elles servent ensuite de dépotoir pour les déchets alimentaires (os), les silex dont on n'a plus besoin et les céramiques inutilisables et renseignent aujourd’hui sur l'alimentation et la culture céramique des habitants.  

 

Les superficies des villages dépendent de la durée d'occupation du site et de l'environnement, donc des ressources disponibles.

D’après l'étude archéozoologique des ossements contenus dans les fosses on sait que 82 % des animaux consommés par les populations rubanées étaient des animaux domestiques : bovins, puis moutons, chèvres et  porcs. Pour les 18 % restants, il s'agit d'animaux sauvages chassés, en particulier le sanglier, puis le cerf, le chevreuil et l'aurochs. Quelques animaux,  plus rares pourraient provenir   de chasses de prestige ou destinées à l'acquisition de fourrure.

Des informations sur l'agriculture des rubanés sont également fournies par l'étude des graines calcinées trouvées sur les sites. On trouve deux variantes de blé, de l'orge, des petits pois et des lentilles.

 

 

 

La culture de la céramique rubanée présente à la fois de nombreux éléments qui la relient aux cultures néolithiques plus anciennes des Balkans et d'Anatolie, une très forte discontinuité vis-à-vis des cultures de chasseurs-cueilleurs qui la précédaient, mais aussi un certain nombre de singularités propres, rendant incertaines ses origines, qui ont longtemps fait l’objet de débats  et de multiples théories. L’origine proche-orientale de la culture rubanée et son passage par les Balkans ne faisait pas de doute mais,  la question de savoir si elle était parvenue en Europe au gré de migrations de populations ou par simple diffusion culturelle, a soulevé d'âpres discussions. Le développement de la génétique a permis de résoudre enfin ce problème, et plus généralement d’apporter une toute nouvelle compréhension de l'histoire du peuplement de l'Europe.

 

 

Les études fondées sur l'ADN ancien, issu de restes humains datant du Néolithique, se sont développées à partir des années 2000, grâce à d’importants progrès dans l’extraction, le séquençage et l'analyse de l'ADN ancien. Le but est de déterminer les haplogroupes d'un certain nombre d'individus anciens de diverses cultures archéologiques pour tenter de déterminer les ancêtres communs éventuels, de définir des lignées et de reconstituer ainsi l’histoire des populations, leurs origines, leurs déplacements et leurs évolutions culturelles.

 

Outre ces découvertes faites en 1974 sur le site de "la Sente de Saillancourt", les nombreuses prospections réalisées par les équipes locales regroupées au sein de la Fédération des Associations Archéologiques du Val d’Oise ont permis de localiser un certain nombre de sites danubiens entre autres à  Ableiges, Longuesse, Seraincourt, … (cf. article « La céramique de tradition Danubienne du Vexin à la Plaine de France », R. MARTINEZ et J. B. VIATTE, Revue archéologique de Picardie, N°1-2, 1984. Pp 67-71 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pica_0752-5656_1984_num_1_1_1399

 

D’HIER

 

À AUJOURD’HUI 

 

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commentaires

B
Thanks for the information and links you shared this is so should be a useful and quite informative!
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R
Un clin d'oeil d'un ancien géologue et archéologue Vexinois, et bravo pour cette exposition !<br /> <br /> R. Wyns
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J
Merci beaucoup. Cela fait plusieurs années que je souhaitais la réaliser. La crise des migrants m'a convaincu qu'il s'agissait bien d'un sujet d'actualité. J-P Herbin