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29 mai 2016 7 29 /05 /mai /2016 10:19

« Il faut imiter la source qui ne se tarit pas et non pas l’averse qui inonde la montagne » (Traduction de ce proverbe chinois : « Savoir agir avec prudence et dans la conscience du long terme, préférer une action discrète aux conséquences durables à un coup d’éclat aux effets impressionnants mais éphémères ».)

Les sources de Saillancourt

Yamasuma Morimura : Portrait La Source, d’après Ingres 1989.

Une source nomme à la fois l’eau qui sort naturellement de terre et le point d’où elle jaillit. L’eau de sources peut alimenter des mares ou disparaître à nouveau dans le sol. Une source nait de la conjonction de facteurs topographiques et hydrogéologiques comme une meilleure perméabilité locale. Lorsqu’une source coule en permanence elle est dite pérenne.

Construit sur une ligne de sources, le hameau de Saillancourt a bénéficié « d’eau pure » en abondance permettant aux hommes d’y vivre et d’y développer des activités agricoles . La nappe du complexe sableux Cuisien/Sparnacien, constituée par drainance des formations sus-jacentes ou par infiltration des eaux superficielles approvisionne ces sources, de type déversement et débordement qui elles-mêmes alimentent les rus en fond de vallée.

Géologiquement le hameau de Saillancourt a une position particulière puisqu'il se situe exactement à la terminaison de l'anticlinal de Vigny. On pourra se reporter à l'article du blog : http://laboutonnieredesaillancourt.over-blog.com/article-histoire-geologique-des-paysages-autour-de-saillancourt-67732931.html pour imaginer l’évolution des paysages depuis environ 60 millions d’années.

En venant de Sagy on peut observer, jusqu’en limite de Saillancourt, la craie d’âge crétacé mise en place dans une mer de 300 m de profondeur il y a environ 70 millions d’années recouverte à la fin de l’ère secondaire par des argiles plastiques sparnaciennes déposées en milieu marécageux et saumâtres. Au-dessus, se trouve une couche de sable Cuisien, puis le calcaire lutétien qui constitue les affleurements de la carrière de Saillancourt.

La tectonique, qui a plissé les couches sédimentaires et formé cette voute anticlinale, a tout à la fois fracturé les formations les plus résistantes (dites compétentes) : les calcaires du Lutétien et provoqué un « bourrage » avec les couches plastiques : les argiles du Sparnacien.

 

 

Les sources de Saillancourt

La fracturation du Lutétien offre une certaine perméabilité d’interstices à laquelle peut s’ajouter une perméabilité de fissures dans les vallées, soumettant le calcaire grossier au phénomène de dissolution. Ces circonstances favorisent l’écoulement naturel des eaux souterraines et l’apparition des sources juste à la limite des argiles du Sparnacien qui sont sub affleurantes au cœur du hameau : sur la place, en bas de la rue de la Goupillère et de la rue du Charné.

La source principale, au plus fort débit a été depuis des temps historiques canalisée de façon à alimenter un lavoir, une station de pompage : là où l’on venait chercher l’eau, et un abreuvoir pour les animaux.

 

Les sources de Saillancourt

D’autres sources existaient, les anciens parlent de celles du bout de la rue du Charné où celle de la rue de la Goupillère.

On notera que pour tracer la voie de chemin de fer, les ingénieurs de l’époque avaient pris soin de contourner la zone instable des argiles plastiques et des sources de façon à ce que le ballast suive la ligne d’affleurements de la base du Lutétien c’est à dire l’allée des Plantes puis le chemin du Tacot en haut de la rue de la Goupillère.

Pourquoi les sources se sont elles taries ? Une source se capte, se conduit, s’entretient tout en restant libre d’accès lorsqu’elle d’alimente des lieux publics lavoir ou abreuvoir.

Dans les années 60, probablement en raison de la création du réseau de distribution d’eau captée sous pression, la municipalité a négligé l’entretien des sources. Les conduits se sont alors bouchés, des tranchées creusées lors de l’installation du tout à l’égout ont créé des chemins drainants déviant le cours naturel de l’eau. L’abreuvoir remblayé est devenu espace de stationnement – avec plantation d’un tilleul, le lavoir,un bac vide, l’eau qui donnait vie à Saillancourt dans tous les sens du terme a déserté la place.

Pour avoir une idée de la richesse et de la diversité du patrimoine local il existe un site à visiter :  http://www.lavoirs.org/  qui présente une carte de France des lavoirs (plus de 10 000 !), dont 170 dans le Val d'Oise avec plus de 314 photos et une du lavoir de Saillancourt : à sec!

 

Les sources de Saillancourt

Comme on peut le voir sur la photo du site il n’y a plus du tout d’eau de source. Où est-elle passée ? Mystère!

Et voilà qu’on nous annonce par voie de presse que « le débit d’eau provenant des sources étant très insuffisant, un apport complémentaire en eau pluviale a été réalisé ».

Les sources de Saillancourt
Les sources de Saillancourt

On aperçoit dans le regard l’ancienne conduite faite d’assemblage de pierre qui servait à canaliser la source sur une distance que « géologiquement » on estimera d’un ordre de grandeur de 5 et 10 mètres étant donné la morphologie de la vallée.

Ce collecteur ressemble fort à celui que l’on rencontre dans tout aménagement hydraulique, tel celui de l’abbaye de Vauclair (Aisnes) située d’ailleurs, par le plus grand des hasards, dans le même contexte géologique : calcaires du Lutétien, sables du Cuisien, argiles du Sparnacien.

Les sources de Saillancourt

A Saillancourt, depuis le 31 août 2013, date à laquelle la conduite d’eau pluviale a été connectée sur le regard de la source, la force érosive de la chute d’eau due aux apports brutaux des eaux de pluie, a déjà commencé à lessiver les pierres et à les déjointer, le marnage (variation des niveaux d’eau dans le regard) a emporté quantité de limon … qui se retrouve sédimenté … dans le lavoir !!! (photo prise le mercredi 4 décembre 2013). A terme la stabilité du mur pourrait être affectée.

Les sources de Saillancourt

Pourtant que la photo est belle quand l’eau coule dans le lavoir. Sauf que l’eau dans notre cas est stagnante.

Les sources de Saillancourt

En vérité les sources existent, il faut les retrouver.

Cette vérité qui se cache au fond du puits tente d’en sortir pour montrer les preuves qu’elle tend au bout de ses bras, dans son miroir (tableau d’Édouard Debat-Ponsan, daté de 1898, peintre emblématique de la IIIème République, tableau connu dans le monde entier comme l’icône et le manifeste des défenseurs d’Alfred Dreyfus).

Les sources de Saillancourt

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